La science économique ne remplit pas toujours le rôle qui devrait être le sien dans l'explication des grandes mutations contemporaines : s'essoufflant, souvent, à affiner ses instruments d'analyse, sans se soucier en permanence de les adapter aux évolutions des systèmes productifs, elle ne sait pas apporter - aux interrogations modernes - les réponses qu'on attend d'elle ; il est même presque devenu banal de constater que bon nombre de ses fameux « corpus théoriques » dominants, glissent sur les faits sans s'y accrocher. Pour cette science, dont une des ambitions les plus avouées était d'acquérir son autonomie au regard des autres sciences, il est souvent douloureux d'admettre qu'il faille, couramment, faire appel à l'histoire, à la sociologie, à l'ethnologie... pour percer le sens des évolutions actuelles, et même pour définir de nouveaux concepts opératoires susceptibles de guider les interventions des responsables. Aussi, dans un climat où règnent le paradoxe et l'équivoque, une longue et minutieuse observation s'impose, pour essayer de faire surgir de nouvelles catégories intellectuelles, et pour mener, à partir d'elles, de nouvelles lectures de faits sans cesse plus complexes. C'est là une ambition que l'économie industrielle s'est toujours donnée, et qu'elle a peut-être réussi à mener à bien en développant la notion de « filière » : quand les logiques économiques et technologiques se modifient, quand de nouveaux rapports de force s'instaurent entre de nouveaux acteurs, bon nombre d'espoirs sont fondés sur cette notion, qui doit permettre de décrypter le sens de nouvelles réalités ; c'est, du moins, l'attente de maints économistes, et l'objet des diverses contributions qui constituent cet ouvrage, sera d'en montrer le bien-fondé et les limites. En toute hypothèse, elles arrivent, toutes, à point nommé, pour présenter les nombreuses facettes d'une notion encore bien floue, et dont l'essor s'inscrit dans la logique du développement de l'analyse industrielle.