"Il est quand même étrange ce sujet de l'amour : on y pense tout le temps et on n'y croit pas."
Lors d'un été de canicule, secoué par la crise des Gilets jaunes, un romancier veut croire qu'on peut encore écrire sur le grand amour. Et le vivre. Felice et Noé, une avocate et un dessinateur que tout semble séparer, l'entraînent alors dans le secret de leur couple : le goût du risque, la soif de désir et de beauté.
"J'allais mal ; tout va mal ; j'attendais la fin. Quand j'ai rencontré Victorien Salagnon, il ne pouvait être pire, il l'avait faite la guerre de vingt ans qui nous obsède, qui n'arrive pas à finir, il avait parcouru le monde avec sa bande armée, il devait avoir du sang jusqu'aux coudes. Mais il m'a appris à peindre. Il devait être le seul peintre de toute l'armée coloniale, mais là -bas on ne faisait pas attention à ces détails.
Il m'apprit à peindre, et en échange je lui écrivis son histoire. Il dit, et je pus montrer, et je vis le fleuve de sang qui traverse ma ville si paisible, je vis l'art français de la guerre qui ne change pas, et je vis l'émeute qui vient toujours pour les mêmes raisons, des raisons françaises qui ne changent pas. Victorien Salagnon me rendit le temps tout entier, à travers la guerre qui hante notre langue."
Alexis Jenni.
Prix Goncourt 2011
"Jean-Paul Aerbi est mon père. Il a eu vingt ans en 1960, et il est parti en Algérie, envoyé à la guerre comme tous les garçons de son âge. Aujourd'hui, je pousse son fauteuil roulant, et je n'aimerais pas qu'il atteigne quatre-vingts ans. Les gens croient que je m'occupe d'un vieux monsieur, ils ne savent pas quelle bombe je promène parmi eux, ils ne savent pas quelle violence est enfermée dans cet homme-là . Je vis avec lui dans une des cités qu'il a construites, mon ami Rachid habite sur le même palier, nous en parlons souvent, de la guerre et de l'oubli. C'est son fils Nasser qui nous inquiète : il veut ne rien savoir, et ne rien oublier. Nous n'arrivons pas à en sortir, de cette histoire."
"Traverser la mer inconnue, vaincre des armées, détruire nos navires, entrer dans cette ville, nous emparer du grand Montezuma, faire périr ses capitaines et survivre. Ces grands faits incroyables, Dieu seul les préparait sur notre route. Car quels hommes oseraient imaginer tout
ça ? Et quels hommes oseraient l'accomplir ?"
Avec cinq cents types de hasard rassemblés à Cuba, Hernán Cortés découvre et conquiert le grand empire des Mexicas, dans une suite de prouesses que l'on croirait tirées d'un roman de chevalerie qui tourne mal. Jamais il n'y eut plus grande aventure que celle-ci, et jamais il n'y en aura d'autre, car désormais le monde est clos : il n'y aura plus jamais de Nouveau Monde.
Walenhammes est la plus grande ville industrielle du nord de la France, et on sait à peine qu'elle existe. Quand les terribles événements que l'on sait commencèrent à la détruire, Charles Avril y vint sur un coup de tête, pour écrire quelques articles qu'il pourrait vendre au site d'information où il est pigiste.
À Walenhammes, après la fermeture des mines et du haut-fourneau, il ne reste qu'un peuple abondant dont on ne sait pas quoi faire. Georges Fenycz, maire de cette immense municipalité décatie, a une idée simple : la pauvreté enrichit. Alors se déverse sur Walenhammes la cruelle guignolade du libéralisme, qui absorbe toutes les critiques qu'on lui adresse, dont on ne peut plus rien dire à moins d'en écrire un roman qui déborde.
Charles en est le spectateur, tout en découvrant ce à quoi il ne s'attendait pas : l'amour d'une maître-nageuse, l'amitié d'hommes qui continuent de vivre malgré tout, et l'affection d'une petite fille qui pense devenir adulte en lisant jusqu'au bout Les Démons de Dostoïevski.
Ce roman décrit l'installation d'un monde nouveau qui désormais sera le nôtre.
"Mes souvenirs sont faux, et les vôtres aussi, tous. Ne vérifiez pas : c'est une réalité neurologique, et linguistique. Vous n'y pouvez rien. Ce dont nous nous souvenons, ce sont des souvenirs, au sens de ces bricoles dénuées de sens que l'on trouve dans les boutiques où on les vend ; et ces souvenirs on les garde dans un tiroir, on les retrouve sans plus se rappeler d'où ils viennent : objets cassés, cailloux muets. De quoi se souvient-on ? De pas grand-chose ; et encore c'est faux. On garde des fragments dont on ne sait pas de quoi ils proviennent, et ils prennent toute la place. Ils sont faux, cassés, isolés. Mais ils pèsent tant sur nos rêves et nos pensées qu'ils doivent être la partie qui dépasse d'une très grosse pierre enterrée. Alors je prends la pelle, et je creuse autour. Ce que je trouve, bien sûr, n'est pas du tout ce que je cherchais."
Alexis Jenni.