De l'Aber-Ildut, son village familial, à tous ces hauts-fonds sur lesquels il a failli plus d'une fois déchirer ses bateaux, de Bécassine à la tante Sabote, Yann Queffélec, Armoricain pure souche, évoque une Bretagne tout à la fois mythique et bien réelle, c'est-à -dire éternelle."Ma Bretagne est d'Armor, le pays dans la mer. Elle est d'Armor, elle est d'Argoat - mer et forêts -, arrimée par l'ouest à ses destinées atlantiques, et par l'est à la pointe aiguë du socle européen.
On y allait en train quand j'étais enfant. Le Paris-Brest à vapeur des années 50, la moleskine olivâtre du compartiment pour huit, les oeufs durs écalés sur les genoux, neuf heures de rail sans voir la mer ou si peu vers Saint-Brieuc.
Ma Bretagne est d'abord le pays des miens. Ma mère, Yvonne, la première à me bercer de chansons marines et d'histoires. Mon père, Henri Queffélec, l'homme et l'écrivain que j'ai le plus admiré, le bel indifférent aux yeux d'horizon.
Entre nous, l'Armor est mon pays usuel, mon pays définitif, j'y naîtrai toujours."
Yann Queffélec
Veine palpitant dans l'intime repli des campagnes. Chemin d'eau qu'ont déserté chalands et gabares. Ligne de vie creusée dans la paume calleuse de la Bretagne. Le canal de Nantes à Brest ondule d'un bout à l'autre de la presqu'île. Au début d'un très beau mois de mai, j'ai parcouru à pied ses trois cent soixante kilomètres. Pour rien, pour le plaisir, pour jouir de ce luxe inouï, de cette prodigalité fastueuse : marcher ; passer son temps à le perdre ; se coucher sur la rive quand le soleil est trop chaud, pour lire ou regarder le ciel. Le canal : fil conducteur d'une échappée solitaire, de cette narration vagabonde.